Un village pittoresque, ses ruelles pavées baignées de lumière dorée, son ambiance paisible… jusqu’à ce que le flot incessant de visiteurs transforme cette carte postale en un véritable capharnaüm. Une scène devenue familière pour de nombreux sites touristiques, pris dans l’étau d’une fréquentation en constante augmentation. Faut-il alors voir l’afflux de touristes comme une fatalité ? Une menace pour l’équilibre des territoires et la qualité de vie des habitants ?
Avec une gestion fine des flux, l’accueil touristique peut ainsi se faire dans l’harmonie. Des solutions existent pour canaliser, répartir et enrichir l’expérience des visiteurs, tout en préservant ce qui fait l’âme des lieux.
Répartir les flux : le secret d’un tourisme apaisé
Comment éviter la saturation de flux de visiteurs ? Une des clés passe par la diversification des parcours et des horaires. Dans le Marais poitevin, les 800 km de pistes cyclables permettent d’étendre la découverte au-delà des canaux très prisés de la Venise Verte. La Baie de Somme, elle, a créé des boucles connectées au réseau ferroviaire, invitant les voyageurs à rayonner dans l’arrière-pays à vélo ou en train.
Aven d’Orgnac, Chaine des Puys, Puy Mary, Cirque de Sixt-Fer-à-Cheval, Gorges de l’Ardèche, Gerbier-Mézenc… Avec plus de 38 millions de visiteurs annuels et une augmentation de fréquentation comprise entre 20 et 200 % depuis la crise sanitaire, les Grands Sites de France sont aussi touchés par ces enjeux.
Pourtant, ces visiteurs sont une aubaine… Attirés par les “locomotives” d’un territoire, ils sont également curieux de découvrir d’autres pépites cachées. C’est la loi de l’attraction ! Mais, pour cela, la nécessité d’une gestion durable et concertée est plus pressante que jamais. Et, pour relever ce défi, il faut une stratégie efficace ainsi qu’une communication forte et une planification minutieuse pour déconcentrer les flux.
Utiliser les outils numériques au service d’un tourisme fluide
Et si votre smartphone pouvait vous aider à éviter la foule ? De plus en plus de destinations adoptent des outils numériques pour prévoir et ajuster les flux en temps réel. Des outils digitaux, comme Outdoorvision ou Murmuration, utilisent des données de fréquentation et des images satellites pour analyser la pression touristique sur certains territoires.
En Auvergne-Rhône-Alpes, l’afflux massif de visiteurs a conduit la municipalité de Lans-en-Vercors à innover. Face à des stationnements anarchiques bloquant les riverains, la ville a mis en place un QR code permettant aux visiteurs de vérifier en temps réel la disponibilité des parkings. Si celui des Égauds est plein, les randonneurs sont redirigés vers d’autres itinéraires ou activités, réduisant ainsi les tensions et fluidifiant la fréquentation.
La région mise également sur un tourisme quatre saisons afin de mieux répartir la fréquentation sur l’année et limiter les pressions estivales. L’application “Partir ici” vise à promouvoir le tourisme de proximité en mettant en avant des destinations alternatives moins fréquentées, respectant des critères de développement durable.
Dans le cadre des stratégies de gestion durable des Grands Sites de France, des dispositifs numériques permettent aussi de communiquer en amont avec les visiteurs. Certains sites proposent des panneaux interactifs pour orienter les flux et éviter les engorgements. L’anticipation est essentielle pour limiter l’érosion due au piétinement, la perte de biodiversité et le stationnement anarchique, qui comptent parmi les principaux impacts négatifs du surtourisme.
Habiter et accueillir : réconcilier résidents et touristes
Si le surtourisme fait parfois la une des médias, la réalité est plus nuancée. En Auvergne-Rhône-Alpes, 62 % des habitants soutiennent le développement touristique et le taux de tourismophobie reste faible (4,9 %).
Dans cet esprit, le projet Oisans 2040 vise à construire un projet de territoire cohérent impliquant une pluralité d’acteurs : élus, habitants, entreprises, associations et experts. Cette démarche repose sur une vision politique du tourisme durable, intégrant les trois piliers du développement durable (économie, environnement, social). L’objectif est de diversifier l’offre touristique tout en améliorant l’accueil, la mobilité, la qualité des équipements et la synergie des acteurs.
Trajectoires Tourisme propose aux gestionnaires de destination une formation pour intégrer les habitants dans leur stratégie touristique. Le tourisme ne peut plus s’imaginer sans la participation active des habitants. Il est hautement stratégique de leur accorder une considération particulière.
Adapter les infrastructures : un accueil pensé pour durer
La mobilité reste un défi majeur pour le tourisme durable. En France, 77 % des émissions de CO2 du secteur sont liées aux transports. En Auvergne-Rhône-Alpes, 82 % des trajets vers les lieux de séjour se font en voiture.
Une autre solution consiste à adapter les infrastructures pour éviter les désagréments liés à l’afflux touristique. C’est ce qu’a fait la Pointe de la Parata, en Corse, avec sa navette électrique « Paratina », qui transporte les visiteurs du parking jusqu’au site des Îles Sanguinaires.
Plus largement, les Grands Sites de France adoptent des stratégies d’aménagement sur le long terme : recul des parkings, sentiers balisés pour éviter l’érosion, promotion des transports en commun et des mobilités douces. Le but ? Limiter l’impact du tourisme tout en garantissant une expérience de visite qualitative.
Le tourisme de masse est souvent perçu comme une menace. Mais en répartissant mieux les visiteurs, en utilisant les outils numériques, en impliquant les habitants et en adaptant les infrastructures, il est possible de préserver la beauté des sites tout en favorisant un accueil apaisé. Loin d’être une fatalité, l’augmentation de la fréquentation touristique peut être une formidable opportunité… à condition de bien la gérer.