Pourquoi le travail à distance est un sujet dont les Offices de Tourisme doivent s’emparer ?
Anne Ecochard : Les organisations vivent actuellement de profondes transformations : concurrence féroce, exigences clients accrues, environnement de plus en plus complexe…
Les Offices de Tourisme n’échappent pas à ces transformations. Depuis la loi Notre, un certain nombre de structures ont fusionné, ce qui les obligent à s’organiser autrement. Sans compter ceux, concurrents dans le passé, qui doivent apprendre à coopérer. C’est aussi dans ce contexte que se développent le travail à distance et le télétravail.
Aujourd’hui, le management à distance concerne 25% des encadrants. Cette évolution va se poursuivre dans les prochaines années : on estime à 50% les emplois qui seront « télétravaillables » à l’horizon 2030.
On comprend bien, dans ce contexte, qu’on assiste à une mutation du métier de manager, et plus précisément à un changement significatif dans son positionnement et sa posture. Et les managers d’Offices de Tourisme n’échappent pas à la règle !
De quelle distance parle-t-on ?
Anne Ecochard : On résume trop fréquemment cette notion de distance à la simple distance géographique. Elle est certes très importante pour les Offices de Tourisme composés de plusieurs lieux de travail (jusqu’à 10 à 12 dans certains territoires). Mais il existe d’autres formes de distance tout aussi importantes.
La distance culturelle en est une. Les réorganisations d’Offices de Tourisme peuvent faire émerger des cultures différentes au sein d’un même site, donc des manières de penser différentes.
Il y a aussi la distance technologique : il existe une grande disparité entre les membres d’une équipe dans l’usage des outils numériques. On parle de fracture numérique, c’est un enjeu insoupçonné. Sans parler de la non-compatibilité des systèmes d’information entre eux…
Quelles difficultés le management du travail à distance engendre-t-il ?
Anne Ecochard : En fait, il y a plusieurs niveaux de complexité, ce qui ne facilite pas la tâche du manager.
La première complexité est liée à la distance physique. On le comprend aisément, manager des sites distants nécessite des déplacements avec une fréquence régulière accompagnés souvent d’une planification rigide.
Il y a ensuite la complexité liée à la distance opérationnelle. La coordination au quotidien est plus complexe à organiser et la régulation plus délicate. Cela crée une distance dans la manière de travailler, et cette distance opérationnelle provoque une distance émotionnelle et relationnelle. Elle limite l’expression des ressentis de chacun ; les membres de l’équipe peuvent alors perdre en motivation faute de stimulants collectifs.
Au final, le manager doit gérer différentes facettes de la distance et doit également optimiser son temps tout en répondant aux aspirations de ses collaborateurs.
Ces trois composantes se renforcent mutuellement et complexifient la manière de travailler du manager à distance. La distance agit sur le temps disponible qui s’amenuise et ces deux éléments renforcent le besoin et la difficulté de la relation.
Quels sont les leviers d’amélioration pour mieux manager à distance ?
Anne Ecochard : Il n’existe malheureusement pas de recette miracle ! Pour autant, il existe un certain nombre de leviers sur lesquels il sera possible d’asseoir sa légitimité de manager comme :
- Hiérarchiser les activités à forte valeur ajoutée,
- Clarifier les responsabilités et développer l’interdépendance,
- Fixer les règles du jeu et harmoniser les méthodes,
- Optimiser l’utilisation des outils de communication et la diffusion de l’information,
- Répondre aux attentes spécifiques et identifier les signaux faibles,
- Savoir être dans la proximité relationnelle et la confiance,
- Entretenir un climat de coopération et sentiment d’appartenance,
- Disposer d’un système de reporting efficace et responsabilisant.
Quelles questions juridiques se posent lorsqu’on met en place du travail à distance ?
Emmanuelle Rouzet : Le travail à distance pose notamment la question du lieu de travail. C’est une mention obligatoire du contrat de travail qui peut en désigner un ou plusieurs.
Le décompte du temps de travail ne s’effectuera pas de la même façon si un seul ou plusieurs lieux de travail sont définis. En effet, le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail qui dépasse le temps de trajet habituel devra donner lieu à des contreparties financières ou en repos dont les modalités sont définies par l’employeur.
Si le salarié est amené à se déplacer régulièrement sur un site beaucoup plus éloigné que son lieu de rattachement, alors ces contreparties seront dues. Ce ne sera pas le cas si les deux lieux de travail sont définis.
Le lieu de travail constitue un élément essentiel du contrat de travail que l’on ne peut pas modifier sans l’accord du salarié, sauf à ce que le changement ait lieu dans un même bassin géographique ou qu’une clause de mobilité figure dans le contrat de travail.
Quelles questions cela pose d’être obligé de travailler à distance ?
Emmanuelle Rouzet : Le travail à distance constitue un élément essentiel de l’organisation de l’activité d’une structure. Chaque Office de Tourisme doit le prendre en compte pour y apporter les solutions qui lui sont les plus adaptées.
Lorsque l’Office de Tourisme décide de mettre en place du télétravail, cela ne doit pas être uniquement considéré comme une réponse à une problématique individuelle mais plutôt conçu comme un projet collectif dont les modalités et les règles s’accordent avec les nécessités de performance de l’organisation.
Le travail multi-sites peut engendrer le télétravail. Est-ce que celui-ci présente aussi des enjeux juridiques à connaître ?
Emmanuelle Rouzet : Les Ordonnances Macron ont assoupli le cadre juridique de recours au télétravail. Ainsi le télétravail peut être mis en œuvre par l’intermédiaire d’un accord d’entreprise ou, à défaut, par une charte.
En l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir de manière occasionnelle ou régulière au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen. Toutefois, suivant la situation dans laquelle se trouve la structure qui souhaite le mettre en place, l’une ou l’autre de ces modalités peut s’avérer plus ou moins adaptée.
La mise en œuvre du télétravail par accord ou par charte nécessite de prévoir des dispositions relatives aux conditions de passage en télétravail et celles d’un retour à une situation sans télétravail. Il peut s’agir des modalités concernant l’accord du salarié, les plages de télétravail, l’accès des travailleurs handicapés à une situation de télétravail et la prise en charge des coûts.
De nombreuses autres questions doivent être étudiées. Par exemple : le contrôle du temps de travail et la régulation de la charge de travail, l’assurance des locaux dans lequel s’effectue le télétravail, la protection des données personnelles, l’équipement informatique mis à disposition par l’employeur et ses règles d’utilisation..
Qu’est-ce que le droit à la connexion et suis-je concerné en tant que professionnel du tourisme ?
Emmanuelle Rouzet : Seules les entreprises de plus de 50 salariés ont l’obligation de négocier sur le droit à la déconnexion. Toutefois, toutes les entreprises qui ont recours à l’aménagement du temps de travail en forfait jours doivent fixer les modalités de la déconnexion.
Même si tous les Offices de Tourisme n’entrent pas nécessairement dans ces deux catégories, ils ont, en tant qu’employeur, une obligation légale de veiller à la santé et à la sécurité de leurs collaborateurs. A cet égard, ils sont tenus de veiller au respect de la déconnexion de leurs collaborateurs. Là encore, les modalités peuvent être définies par accord ou dans le cadre d’une charte.
Merci à vous deux !
Si le sujet vous intéresse, regardez le replay de notre webséminaire : Travail multi-sites, management à distance, et cohésion d’équipe