Chaque fois que je prépare mes vacances, je fouille sur Internet à la recherche des meilleures expériences. J’avoue, j’adooore lire les blogs tourisme. Sur Instragram, je suis abonnée à des hashtags en lien avec mes prochaines destinations, histoire de rêver un peu tous les jours en attendant le jour du départ.
Mais, je ne suis pas dupe : une grande partie des contenus qui me tapent à l’œil sont produits par des influenceurs. Eh oui, ces derniers font partie intégrante de nos habitudes de consommation, en particulier dans le secteur du tourisme. D’ailleurs, l’étude “Les chiffres du marketing d’influence en 2022” réalisée par Hubspot souligne que 85 % des professionnels du marketing ambitionnent de booster leur visibilité grâce au marketing d’influence. De plus, 18,2 % des internautes en France suivent des influenceurs : les destinations touristiques ont donc tout à gagner en créant des partenariats avec eux.
Pour optimiser leur stratégie de communication sur Internet, les organismes de tourisme sont de plus en plus nombreux à faire appel au pouvoir de persuasion des influenceurs pour booster l’attractivité de leur territoire, promouvoir des activités sur place, mettre en avant les offres d’hébergement… Grâce à leurs partages sur les réseaux sociaux, leurs articles de blog, leurs vidéos, les influenceurs participent à l’attractivité d’une destination.
Si le marketing d’influence n’est pas nouveau dans le tourisme, la manière de le mener évolue vers de plus en plus de professionnalisation. Faut-il pour autant les gérer comme des accueil presse ? Faut-il concentrer tout son budget com sur ces actions ?
Maxime Parraud, chargé de communication et influence chez Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme, nous partage son avis et ses conseils pratiques pour travailler avec les influenceurs.
Comment a évolué le marketing d’influence dans le tourisme ?
L’accueil des influenceurs s’inscrit dans la suite de l’accueil des journalistes. “À Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme, cela fait 5 ou 6 ans que nous nous sommes penchés sur le sujet. Quand l’influence a émergé dans notre secteur, il n’y avait pas vraiment de règles. Chacun y allait à tâtons avec des possibilités de gratuité ou d’invitation en échange de visibilité ou de contenu sur les réseaux. Du côté des organismes touristiques, nous ne savions pas comment appréhender l’influence. De leur côté, les influenceurs ne savaient pas ce que valait leur communauté. Nous étions sur un échange gagnant-gagnant, sans aucune monétisation”, explique Maxime Parraud.
Aujourd’hui, le secteur de l’influence s’est professionnalisé. D’ailleurs, des agences de communication, comme Influence4You, se sont spécialisées dans le marketing d’influence : elles collaborent avec des influenceurs et encadrent les relations entre les marques et les influenceurs. “Aujourd’hui, nous avons quasiment à chaque fois des contrats et des prestations rémunérés. Certains influenceurs se sont professionnalisés et offrent des prestations dignes d’une agence de communication. En plus d’une demande en contenu d’influence en augmentation, il y a aussi de plus en plus de concurrence entre ces pros du tourisme : les tarifs montent”, précise Maxime Parraud. Les influenceurs ont pris conscience du poids de leur communauté et monétisent leurs prestations.
Enfin, les canaux de communication des influenceurs ont évolué. Au début, ils publiaient des articles sur des blogs et les réseaux sociaux n’étaient qu’un relais pour appuyer ces contenus. Aujourd’hui, les communautés sont quasiment uniquement sur les réseaux sociaux, voire sur un seul média (comme Tiktok).
Est-ce obligatoire de faire de l’influence ?
“On n’est jamais obligé de faire de l’influence, mais c’est un des axes de la communication en ligne qui est pertinente pour valoriser sa destination”.De toute manière, il faut éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier : si le budget de votre communication digitale vous le permet, mieux vaut l’investir dans différents canaux et actions pour toucher le maximum de personnes.
Selon Maxime Parraud, “les organismes touristiques souffrent du côté trop institutionnel de leur communication.” Le plus de l’influenceur, c’est d’être une personne physique : son message et son expérience auront plus de poids qu’une publicité réalisée par la destination.
Cependant, le marketing d’influence n’est pas la poule aux œufs d’or. Dans un premier temps, nous pouvons être tentés de faire appel aux gros influenceurs. Même si nous sommes sûrs de leur notoriété, rien ne nous garantit un retour sur investissement et des retombées directes sur la fréquentation d’une destination. De plus, comme le rappelle Maxime Parraud, “le tourisme, c’est saisonnier. Ce n’est pas un achat que vous allez faire après avoir vu une publication d’un influenceur.” C’est donc compliqué de mesurer l’impact des actions liées à l’influence.
Néanmoins, sur des actions plus spécifiques, axées uniquement sur le voyage, Maxime Parraud a pu voir l’impact de certains influenceurs sur leur communauté. Par exemple, à la suite d’un article paru en 2019 sur le blog Bestjobers sur un week-end bien-être à Aix-les-Bains, certains membres de la communauté sont passés à l’action en réservant un séjour. Ce n’est pas le cas avec tous les influenceurs. Finalement, tout dépend de ce qu’on recherche en concevant une campagne d’influence.
Comment choisir un influenceur pour valoriser sa destination ?
En quelques années, le nombre d’influenceurs voyage a explosé. Certains sont très spécialisés, comme Bruno Maltor ; d’autres sont plus généralistes. De même, toutes les tailles de communauté existent. Quoi qu’il en soit au moment de créer une campagne d’influence sur une destination, Maxime Parraud recommande de se rapprocher d’influenceurs de niche. En 2022, Évian Tourisme, lors d’une campagne coorganisée avec Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme, a accueilli Roro Le Costaud, influenceur en situation de handicap, pendant une semaine pour lui faire découvrir les activités adaptées sur le territoire.
En parallèle du choix du média ciblé pour la campagne d’influence, le message et les valeurs véhiculées par l’influenceur sont essentiels : cela doit être en accord avec votre objectif de communication. Comme le recommande Maxime Parraud, “dans tous les cas, il faut laisser l’influenceur prendre la main sur la création de contenu. Ce contenu doit coller à sa communauté. Il est difficile de pousser un message trop commercial : les gens ne sont pas dupes.” Même si les influenceurs doivent conserver leur liberté sur la production de contenus pour rester crédibles auprès de leur communauté, les structures touristiques ont bien souvent un droit de regard sur ce qui est produit. En revanche, pour les stories ou les lives, c’est plus difficile de contrôler ce qui est diffusé. Il faut laisser la place à l’authenticité du vécu de l’influenceur.
Le choix d’un influenceur est aussi une rencontre entre un organisme touristique et un humain. Dès le début de la collaboration, il faut établir un dialogue pour être d’accord sur :
le type de contenus
le volume
le message…
Un même influenceur peut produire des contenus vraiment différents d’un contrat à l’autre et selon le budget alloué à la réalisation de ses prestations.
Enfin, les petites structures et destinations peuvent travailler avec des influenceurs de niche et sur le long terme. Par exemple, Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme et Bestjobers ont plusieurs partenariats dans l’année avec des thèmes différents. Bestjobers sont même devenus des ambassadeurs de cette destination. Grâce à ces rendez-vous, l’organisme touristique, au sein duquel travaille Maxime Parraud, utilise les contenus produits sur différents supports (print, digital, vidéo…) et bénéficie d’un message plus harmonieux et global.
7 étapes pour travailler avec un influenceur
Même si, chaque collaboration avec un influenceur se passe de manière différente, on peut tout de même identifier 7 étapes pour réussir une campagne d’influence :
Savoir précisément ce que vous attendez de l’influenceur et l’exprimer clairement : la période, le message, le type de contenu…
Trouver un influenceur en allant à des salons d’influenceurs pour les rencontrer et grossir votre carnet d’adresses. Lors des collaborations avec les influenceurs, l’humain prime : vous n’achetez pas juste l’accès à une communauté. Il y a des gens derrière et l’alchimie entre les partenaires contribue à l’authenticité de la campagne d’influence. Ces rencontres évitent les mauvaises surprises. Vous pouvez aussi utiliser des outils, comme stellar.io, pour découvrir des influenceurs. Si vous cherchez un partenariat rédactionnel, assurez-vous de travailler avec de bons blogueurs. À l’inverse, certains influenceurs sont uniquement sur les réseaux sociaux. Cela demande un peu de temps pour trouver la bonne personne.
Prendre contact avec l’influenceur sélectionné via le mail de contact ou la messagerie instantanée pour une première approche. Parfois, les agences d’influence filtrent les échanges ou proposent des talents. Lors de cette prise de contact, vous devez exposer votre projet et présenter votre destination.
Proposer un échange par téléphone ou en visio pour voir si ça peut fonctionner avec l’influenceur. Ce dernier envoie ses propositions tarifaires et conditions. Vous pouvez aussi faire évoluer/négocier le pack tarifaire. La fourchette de prix est très large en fonction de l’influenceur, des contenus et de sa communauté (entre 2 000 € et 150 000 €). Ce tarif prend en compte le temps passé, le contenu à livrer et le nombre de personnes qui travaillent sur votre campagne.
Envoyer un contrat à signer pour lister les engagements de chacun, les do et don’t, les verbatim à éviter ou à reprendre. Il faut constituer un programme avec l’influenceur, les liens des sites à visiter. Ce programme peut être coconstruit pour s’assurer qu’il va correspondre aux contenus recherchés. C’est un temps important où il y a plusieurs personnes autour de la table (la structure, les partenaires, les influenceurs…).
Accueillir l’influenceur le jour J, comme pour un accueil presse. Sans être tout le temps avec lui, vous devez prévoir un peu plus de temps pour chaque visite afin qu’il puisse préparer ses photos et parler avec les personnes. De même, vous n’avez pas besoin de faire toute la visite avec lui : faites-lui découvrir dans un laps de temps adapté ce que vous souhaitez lui faire vivre.
Faire un bilan des actions via un débriefing avec l’influenceur pour savoir ce qu’il a aimé et moins aimé ainsi qu’avec la structure touristique. C’est important surtout, si vous voulez retravailler avec lui
Dernier conseil de Maxime Parraud : il ne faut pas se brider en créant un process spécifique à l’influence. Il n’y a pas de bonne formule : cela passe par l’humain et par l’échange.
L’influence face aux enjeux durables
Si la puissance des influenceurs en matière de communication est indéniable, il ne doit pour autant pas cacher un revers de la médaille plus obscur. L’influenceur et les organismes touristiques qui y font appel doivent prendre conscience de l’impact des réseaux sociaux sur la sur-fréquentation de certains sites déjà fragilisés.
Sur son site Internet, le parc national des Calanques dévoile l’envers du décor du site emblématique : eau froide, accès difficile, foule durant la période estivale. En effet, derrière la photo instragrammable d’une crique sauvage aux eaux turquoises, les calanques sont réellement des plages bondées et une nature fragilisée. Dans le même esprit, l’office de tourisme de Nouvelle-Zélande interpelle dans une vidéo humoristique les touristes avec ce slogan très clair « Don’t travel under the social influence ». Le pays voit en effet certains de ses sites naturels dégradés et parfois obligés de fermer pour mettre fin au flux continu d’instagrameurs prêts à tout pour obtenir le plus beau cliché.
Organismes touristiques et influenceurs ont donc un rôle à jouer pour protéger les territoires du tourisme de masse et sensibiliser aux gestes durables. Dans ce sens, l’ARPP (l’organisme de régulation professionnelle de la publicité) a lancé depuis 2021 un “certificat de l’influence responsable”, pour permettre aux créateurs de contenu de se tenir informés sur leurs obligations lorsqu’ils collaborent avec des marques. Parmi les modules du certificat, celui sur “Influence & dérèglement climatique” affiche clairement l’objectif de ” bannir toute représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles » et de « prendre en compte les enjeux globaux sur le climat et construire des contenus qui vont dans le sens d’une consommation plus responsable, plus raisonnée, plus sobre. ».
Ainsi, l’enjeu de l’influence en 2022 et des années à venir est d’aller au-delà des jolies photos sur Instagram : c’est raconter une expérience, sensibiliser les communautés, faire voir et vivre un autre tourisme…
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